Les vagues du Printemps arabe sont encore bien hautes et s’écrasent partout dans le monde. Fin avril, l’ancien ministre du Pétrole de Muhammar Kadhafi a été retrouvé noyé dans le Danube, à Vienne, ville où il avait trouvé refuge. Quasi simultanément, la RTS a annoncé l’arrestation, en Suisse, d’un homme d’affaires canado-tunisien, proche de la famille Kadhafi. Et la succession des découvertes va probablement encore s’accélérer dans les mois et les années qui viennent. En toile de fond de cette agitation: la recherche des fortunes des ex- dictateurs et de leurs proches, cachées avec habileté tout autour de la planète, en particulier de celles de l’ex-dictateur libyen. Sociétés-écrans, comptes numérotés dans les paradis fiscaux, trusts, hommes de paille... tout l’arsenal du dissimulateur avisé a été utilisé, rendant les recherches quasiment impossibles. Néanmoins, certains se sont lancés dans l’aventure, mais sans garantie de succès. Ainsi en est-il de Nicolas Giannakopoulos, spécialiste de la sécurité et du crime organisé à Genève. Sa société Inside.Co, avec quelques partenaires dont l’enquêteur Antonino Mannisi, a reçu le mandat de débusquer les éventuels fonds libyens appartenant au cercle de l’ancien régime placé en Suisse. Une mission très complexe et sans garantie. Comment avez-vous commencé cette recherche? Nous avons reçu un mandat exclusif de recherches pour la Suisse. Qui vous a attribué ce mandat ? Une société franco-tunisienne (ndlr: la société en question ne souhaite pas être mentionnée) nous a approchés. Elle-même a reçu ce mandat directement du Conseil national de transition (CNT) libyen, le gouvernement actuellement en place. C’est l’unique mandat actif pour la Suisse et il porte exclusivement sur la Suisse. Nous sommes donc un petit intermédiaire. En quoi consiste ce travail ? Nous sommes en quelque sorte un bureau «d’écoute». Les personnes qui ont des informations nous approchent et nous les écoutons. Pourquoi bureau «d’écoute» ? Parce que les gens qui viennent nous voir veulent souvent obtenir quelque chose en échange de leur participation. Comment êtes-vous rémunéré ? Nous le serons en fonction de ce que nous trouvons, donc en fonction des résultats. Nous prenons un grand risque, parce que nous engageons des moyens et du temps sans savoir si nous pourrons couvrir nos dépenses. Quelles sont les plus grandes difficultés ? Je dirais que c’est la situation dans le pays en lui-même, particulièrement instable. C’est une situation de guerre civile, avec par- dessus les intérêts des puissances pétrolières. Tout est très complexe. D’une manière générale, tout le Maghreb est déstabilisé. Vous occupez-vous également de rechercher des fonds tunisiens ? Non, même si tout est lié. Notre mandat est bien précis et ne concerne que les fonds libyens en Suisse. Revenons à votre travail. Que faites-vous concrètement quand vous avez une information ? Nous devons savoir précisément qui nous avons en face de nous. Connaître sa situation exacte, sans jugement de notre part. C’est un gros travail et très compliqué. Vérifier qui est un individu implique de connaître toute sa famille. De savoir aussi si tous les membres de celle- ci sont d’accord entre eux ou s’ils sont en conflit. Un exemple simple: pour obtenir ces renseignements, il s’agit parfois d’enquêter dans le pays lui-même. Mais l’on se heurte vite au problème de la langue. Certains chefs de clan ne parlent que leur dialecte. Franchement, c’est la pire situation que j’ai jamais connue. Pouvez-vous estimer l’ampleur des sommes recherchées ? Je n’en ai absolument aucune idée. Dans ce domaine, il y a tellement de légendes qui circulent… Il y a cependant énormément d’éléments à chercher. Malheureusement, nous n’en connaissons pas la forme. Où se concentrent vos recherches ? Dans les zones urbaines, essentiellement. Ce sont les meilleurs endroits pour passer inaperçus. Et c’est là également que se concentrent les activités financières... |